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ESN / SSII / Conseil : 16 cas sur la transformation digitale au service des résultats

11 min

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Dans un contexte de crise liée au coronavirus, Whoz, plateforme de référence de digitalisation du staffing, s’associe à ses abonnés, à ses clients et à l’ensemble de l’industrie des services pour offrir un état des lieux des tendances sur les perturbations en cours et à venir, ainsi que des préconisations à moyen et long terme pour aider les sociétés de services à gérer la reprise de leur activité.

Nous lançons avec ce premier article, une série d’articles présentant toutes les deux semaines l’état des lieux du staffing des ESN, des cabinets de conseil, des sociétés d’ingénierie et des sociétés et centres de services. Ces articles sont et seront basés sur nos retours du terrain, sur les tendances dégagées par plusieurs analystes marchés et sur la base d’une étude réalisée auprès des professionnels du secteur des services (ESN, cabinets de conseil, sociétés d’ingénierie…). Ces articles s’attacheront à dégager les tendances sur les conséquences possibles de la crise sur ce secteur pour le mois à venir, les trois prochains mois et jusqu’à la fin de l’année. D’autres articles seront publiés sur notre blog en fonction de l’actualité.

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Une situation sans précédent à l’échelle mondiale

La situation actuelle est unique sur notre marché. En raison de son caractère exponentiel, le COVID-19 va avoir des effets profonds et durables à l’échelle mondiale, pour l’économie en général et le secteur des ESN et du Conseil en particulier.

Entre crise et reprise

À l’heure où nous rédigeons cet article, les gouvernements dans le monde entier précisent jour après jour le contenu de leur plan de relance, prenant conscience de l’ampleur et des conséquences inattendues de la crise. En France, l’ensemble des mesures mises sur la table pour contrer les effets du coronavirus représentait au début de la crise près de 45 milliards d’euros. À cela s’ajoutait la garantie de l’État français sur tous les nouveaux prêts des entreprises auprès des banques, à hauteur de 300 milliards. Le président américain répondait avec une demande au Congrès de voter pour un plan de relance de plus de 770 milliards d’euros. Le 15 mars dernier, le blog du FMI informait que les principales banques centrales avaient pris des mesures coordonnées décisives en matière d’assouplissement monétaire et d’ouverture de lignes de crédit réciproque afin de réduire les tensions sur les marchés financiers mondiaux. Le 19 mars, la BCE annonçait un plan de 750 milliards d’euros de rachat de dettes publiques. Christine Lagarde poste alors un tweet : « Les temps extraordinaires nécessitent une action extraordinaire ».

Ces premiers plans avaient pour vocation de rassurer les marchés mais ils se sont révélés très vite bien maigres face à la catastrophe économique annoncée. Pour la seule semaine du 14 au 21 mars, le ministère du travail américain a annoncé que 3,3 millions de personnes avaient remplies un formulaire de demande d’emploi. La semaine précédente, ils n’avaient été que 282 000 à remplir le même formulaire. Quant au (triste) précédent record hebdomadaire, il était de 695 000, en 1982 lors du 2ème choc pétrolier. Ce nombre sous-estime grandement la crise car il ne prend pas en compte de nombreux travailleurs à temps partiel, indépendants et travailleurs à la tâche qui ont perdu également leur travail. Pour illustrer l’explosion de la demande d’emplois aux US, la couverture du New York Times montre l’évolution du nombre de demandeurs d’emplois chaque semaine depuis 2000 et couvre bien entendu la crise de 2008.

Aux États-Unis le président américain demandera finalement un plan de 2 000 milliards de dollars US au Congrès intégrant un plan de relance aux PMEs, un chèque de 1 200$ envoyé aux personnes adultes les plus modestes, une assurance chômage boostée. L’Allemagne, de son côté, prépare un plan de relance de 750 milliards d’euros soit 21% de son PIB. Enfin, fin mars, les pays du G20 ont promis d’injecter 5 000 milliards de dollars dans l’économie mondiale pour “contrer les répercussions sociales, économiques et financières de la pandémie”. Et pour cause, l’INSEE, le 26 mars, indiquait que la perte d’activités en France, due au confinement, est de 35%. Chaque mois de confinement représenterait près de 3 points de PIB annuel. Nous utilisons le conditionnel car le chiffre de 35% pourrait augmenter en avril.

La banque Morgan Stanley prévoit une crise en V, à savoir une récession mondiale de – 0,3% en Q1, -0,6% en Q2 et un rattrapage fort en Q3 (+1,8%) et Q4 (+2,5%) boosté par le plan de relance que pourrait adopter les États-Unis. La majorité des dirigeants des sociétés de services disent qu’il n’y aura pas de reprise avant le mois de septembre 2020.

La majorité des dirigeants des sociétés de services disent qu’il n’y aura pas de reprise avant le mois de septembre 2020.

Alors crise ou reprise en septembre ? S’il est trop tôt pour répondre, nous voyons déjà aux États-Unis les premières vagues de licenciement. Le droit du travail autorisant les entreprises américaines à se séparer de leurs salariés au plus vite, nous pouvons y voir des signes avant-coureurs de ce qui pourrait se passer en Europe.

Parmi les secteurs les plus touchés aux US, on trouve sans surprise le secteur du voyage et de l’hôtellerie, le secteur du luxe et de la cosmétique, l’immobilier ou encore le recrutement. Nous suivrons ces secteurs dans les semaines qui viennent. Parmi les secteurs en plein boom, au-delà des fabricants de savon de Marseille, l’industrie pharmaceutique ou encore le commerce en ligne connaissent en ce moment une conjoncture favorable.

À court terme : arrêt ou mise en pause des missions, intercontrat et télétravail

Dans les jours et les semaines à venir, les clients des sociétés de services vont chercher à préserver leur trésorerie et à couper l’ensemble des prestations non vitales. Pour geler ou arrêter un projet, les clients des sociétés de services pourront chercher à invoquer le cas de force majeure, c’est-à-dire un événement imprévisible au jour de la conclusion du contrat et irrésistible tant dans sa survenance (inévitable) que dans ses effets (insurmontables), empêchant de manière temporaire ou définitive l’exécution d’un contrat. Si la force majeure ne peut être démontrée, la révision ou la résolution du contrat pourrait éventuellement être demandée sur la base de l’imprévision, introduite en droit français par l’Ordonnance du 10 février 2016 réformant le droit des contrats. Même si tout cela mène à une bataille juridique, de nombreuses entreprises auront vu leur activité réduite à une peau de chagrin et certaines ne pourront pas tenir, faute de trésorerie.

Nous prévoyons que les clients des sociétés de services prononcent l’arrêt en masse des projets lancés ou dont elles allaient prononcer le lancement. Les projets concernés sont : les projets qui n’ont pas démarré, ceux qui n’ont pas consommé plus de 30% du budget prévisionnel et ceux pour lesquels il reste 70% d’actions à réaliser. Parmi les projets pour lesquels il reste entre 30 et 50% d’actions à réaliser, il est probable qu’ils soient, au mieux, gelés, c’est-à-dire mis en stand-by, mais nous penchons pour leur arrêt pur et simple. En deçà de 30% à réaliser, et dans la mesure où ces projets peuvent continuer en télétravail, ils devraient se maintenir.

Plus directement, la fin du mois de mars est une période de renouvellement de missions, comme toutes les fins de mois. Il y a fort à parier que la plupart des missions ne seront pas renouvelées. Il en sera de même de notre point de vue à la fin avril car le confinement devrait se prolonger au moins sur la première et certainement la deuxième quinzaine d’avril. Les mois de mai et de juin seront des mois d’incertitude qui permettront, à la marge, de préparer juillet et la rentrée de septembre. La crise actuelle est une crise de l’économie réelle, c’est-à-dire qui touche toute l’économie en même temps. Autrement dit, aucune industrie ne servira vraiment d’amortisseur aux autres. Mécaniquement le non renouvellement des fins de missions de mars et d’avril, et l’incertitude jusqu’en septembre, devrait provoquer une baisse du TACE d’au moins 20% sur l’activité des ESN et du conseil.

Nous constatons en lecture des premiers chiffres que nous avons obtenu via notre enquête le gel de près de 30% de projets à fin mars. Gel ou abandon à venir, nous publierons les résultats de notre enquête la semaine prochaine.

Le cas de la maintenance des infrastructures informatiques, vitale dans une économie qui ne tourne plus qu’en télétravail et autour d’outils digitaux, connaîtra un traitement particulier. Vitaux par nature, ces projets ne devraient donc pas connaître de destaffing massif à très court terme. Nous prévoyons un destaffing limité en moyenne à 20%. Pour tous les projets non urgents et non stratégiques, nous voyons déjà et prévoyons un destaffing important des consultants.

Plus généralement, il existe une corrélation historiquement forte entre la croissance des Services IT et la croissance du PIB mondial. Cette corrélation s’observe avec un décalage de 6 mois. Le secteur amplifie historiquement la croissance ou la baisse du PIB entre 2x et 3x. Pour les métiers d’Application Services, majoritairement opérés en mode projet et dépendants de l’investissement des entreprises, la corrélation avec la croissance du PIB est comprise entre 3x à 4x. À l’inverse, les activités d’Infrastructure management, fonctions de « run » indispensables au fonctionnement des entreprises, ont plutôt tendance à atténuer les cycles économiques. À court terme le phénomène devrait être plus fort dans le secteur de l’Engineering Services. Ce dernier devrait toutefois bénéficier de la politique de relance pour partie industrielle que devrait mettre en place l’Europe et les États-Unis une fois la crise passée.

À moyen et long terme : adaptation, réorganisation et reprise

Dans les 3 mois qui viennent, les sociétés de services vont devoir massivement adapter leur organisation du travail et prendre la mesure des nouveaux défis qui s’imposent à elles.

Juste avant la crise du coronavirus, l’industrie des services était soumise à une tension importante sur le marché des talents. Elle subissait un turnover important (entre 20% et 30%) dû à la volatilité de leurs talents. Les taux de staffing étaient importants. Pour la majorité de nos clients, le problème n’était pas de trouver de nouvelles affaires mais bien de trouver plus de talents pour répondre aux besoins de leurs clients. La fonction staffing devait alors choisir parmi quelques dizaines de personnes ou bien parmi quelques personnes en attente d’une mission pour couvrir des dizaines voir des centaines de besoins. Dans cette situation, il faut faire des choix mais même de mauvais choix se révèlent porteurs de revenu et de marge.

La situation est en train de s’inverser. Le défi du staffing ne sera plus de choisir la meilleure ressource parmi quelques consultants pour une mission donnée, mais de choisir parmi des centaines de consultants pour quelques missions seulement.

La situation est en train de s’inverser à une vitesse et dans une proportion qu’aucune société n’a connu jusqu’à maintenant. Le défi du staffing ne sera plus de choisir la meilleure ressource parmi quelques consultants pour une mission donnée, mais de choisir parmi des centaines de consultants pour quelques missions seulement. La concurrence tous azimuts va transformer le champ commercial en champ de bataille. Les sociétés les plus rapides et les plus pertinentes dans leur choix de staffing seront les gagnantes à coup sûr. À cela s’ajoutera une renégociation du périmètre et probablement de la tarification des projets au forfait ou des personnes en régie, ce qui amènera les sociétés de services à devoir mieux comprendre leur structure de coût.

Il est donc indispensable pour ces sociétés de préparer la reprise. Elles doivent utiliser le temps où le business est à l’arrêt pour recenser leurs compétences et leurs missions et créer ou mettre à jour leur système d’information de staffing (Staffing Information System – SIS). Ce recensement va permettre de créer des scénarios de reprise et décider de l’organisation à venir. Nous prévoyons une vague importante de « reskilling » ou de licenciement dans les services. En parallèle, le gouvernement devra inclure dans son plan de relance une part importante à la formation professionnelle.

Les sociétés de services qui décideront de se séparer de nombreux collaborateurs décideront de préserver leur trésorerie à court terme. Cette décision sera parfois dictée par la nécessité de survivre au choc. Pour celles qui décideront de lancer des plans de licenciement alors qu’elles pourraient encaisser le coup sur les douze prochains mois, ce choix court-termiste pourrait se révéler mauvais à moyen et long terme. En effet, les différents plans de relance (France, Europe, États-Unis…) amèneront leur lot d’opportunités et il y aura de nombreux projets à staffer. Nous préconisons pour les entreprises qui le peuvent et grâce au recensement systématique des compétences et aux scénarios de reprise, de lancer de grands plans de formations.

La crise actuelle va également ralentir l’engouement pour le freelancing et les plateformes de services. Cette crise sera aussi une prise de conscience pour de nombreux indépendants du statut sinon précaire en tout cas d’isolement et de fragilité à faire face aux grandes crises. Dans un monde où l’on cherche à tout prédire et à se protéger de tout, cette crise nous rappelle qu’il existe des cygnes noirs et qu’ensemble nous sommes toujours plus forts. Pour cette raison, les sociétés de services qui avaient du mal à recruter vont se retrouver face à un choix important de compétences disponibles sur le marché du travail et à un meilleur coût. Ces sociétés vont devoir faire des choix de recrutement et de sauvegarde de l’emploi. Elles y seront d’autant mieux préparées qu’elles auront recensé l’ensemble de leurs compétences et qu’elles auront créé des scénarios de reprise.

Elles auront aussi l’opportunité de recruter les compétences qu’elles ne trouvaient jusqu’alors qu’en prestations d’indépendants. Elles doivent donc recenser les compétences de leurs salariés mais aussi de tout leur écosystème (partenaires commerciaux et freelances notamment). Pour garantir une analyse pertinente, elles veilleront à vérifier l’exhaustivité de leur staffing sur les six derniers mois dans leur SIS.

Cette crise est aussi l’opportunité pour les sociétés de services et leurs clients de prendre conscience du besoin de réorganiser durablement la production et la delivery en mode à distance. Cela passe par des processus, des guides et des mentalités à changer. Cela passe aussi par le redimensionnement des infrastructures et la mise à disposition de terminaux portables. Ce changement des modes de travail pourrait voir la facture immobilière baisser pour les sociétés de services et leurs clients.