Décryptage
Numérique responsable : un défi éthique et stratégique pour les ESN
7 min
Sommaire
- Un « numérique responsable » en co-construction permanente
- Le « Green IT », une solution entre les mains des DSI
- La formation des collaborateurs à la sobriété numérique
- L’innovation technologique au service de la transition écologique
- La sensibilisation du grand public à un usage mesuré
- Le Haut-Comité du numérique responsable
- Le numérique responsable en résumé
Malgré un secteur numérique en bonne santé, avec une hausse de 7,5% en 2022, les ESN sont chahutées sur bien des aspects. On relève une difficulté à recruter, une guerre des talents qui bat son plein et la considération de nouveaux critères tels que la cybersécurité, l’expérience collaborateur et la RSE. Car le numérique, c’est aussi l’industrie dont la consommation d’énergie augmente le plus chaque année. Là est donc toute la complexité : améliorer sa marque employeur, mettre en œuvre des actions pour réduire son empreinte et attirer mieux les compétences du marché. Tour d’horizon d’un « numérique responsable » tel qu’il se dessine en 2023.
« Le cloud devient la fondation de toute transformation numérique ». Cette affirmation vient de Franck Nassah, vice-président de PAC, qui fait écho à la diffusion de la dernière analyse PAC & Numeum sur la conjoncture du marché numérique français menée auprès de 100 DSI et environ 150 entreprises du numérique. C’est bien l’adoption du cloud qui porte les beaux résultats du secteur numérique au 2ème semestre 2022 (+11,3%), suivi par un marché du conseil en technologies (ICT) à +7,4%, puis par celui des ESN à +5,1%.
Pourtant, le tableau de cette belle croissance comporte une part d’ombre d’un point de vue environnemental : le numérique pollue davantage chaque année, et de plus en plus vite : +9% en 2022. Une évolution qui représente aujourd’hui 3 à 4% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde et 2,5 % de l’empreinte carbone en France, selon l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP).
Un « numérique responsable » en co-construction permanente
Citoyens, entreprises et l’État se saisissent du sujet et dessinent peu à peu, chacun par touches distinctes, un « numérique responsable ». En entreprise, cela passe à la fois par le choix d’un matériel informatique plus puissant et durable, une démarche nommée « Green IT » ou « IT for Green », mais aussi par des usages plus sobres et mesurés des collaborateurs. Cette stratégie représente parfois un véritable dilemme. En effet, pour rester compétitif, il est crucial de continuer sa transformation numérique, mais tout en capitalisant sur l’engagement de ses collaborateurs et sa marque employeur. Vient alors les enjeux de réduction de l’empreinte écologique, économique et sociale des technologies de l’information et de la communication qu’il faut tout autant considérer. Le défi est immense et tend à trouver l’équilibre entre l’utilisation du numérique et la mise en place de solutions réduisant son impact environnemental.
Le « Green IT », une solution entre les mains des DSI
Côté DSI, les critères environnementaux gagnent du terrain, et c’est aussi le cas chez Whoz. « Depuis la crise du Covid-19, nous faisons appel à des reconditionneurs locaux. Nous privilégions les ESS qui œuvrent en faveur de l’insertion des personnes éloignées de l’emploi », explique Jérôme Balducci, co-fondateur de Whoz, dans cet article du Figaro. Plutôt que de revendre, après usage, ses ordinateurs, la start-up les remet aux reconditionneurs pour qu’ils prolongent leur durée de vie. Plus globalement, l’étude PAC et Numeum révèle que 28% des DSI ont eu des projets IT au soutien d’enjeux de RSE « métier » pour leur entreprise en 2022, et 57% prévoient d’en avoir en 2023. Il s’agit de « l’IT for green ». En outre, 93% des DSI interrogés réalisent des appels d’offres avec l’obligation de démontrer les actions responsables de leurs fournisseurs : on appelle cela le « Green IT ». Ces enjeux viennent compléter ceux toujours bien présents au sein des DSI : cybersécurité au top des préoccupations, amélioration de l’expérience client, analyse des données et transformation vers le cloud.
La formation des collaborateurs à la sobriété numérique
Autre levier pour agir sur l’empreinte numérique d’une entreprise : former les étudiants et les collaborateurs. Le rapport « Former les acteurs de l’économie de demain » de The Shift Project de novembre 2022, propose des pistes de réflexion pour préparer différemment les futurs gestionnaires, comme on peut le lire dans cet article du Monde . Ce think tank, présidé par l’ingénieur Jean-Marc Jancovici, œuvre en faveur d’une économie décarbonée. L’objectif ? Sensibiliser 100 % des étudiants en gestion à l’écologie. De grandes questions furent posées :
- Qu’est-ce qu’un business plan « compatible 2 °C » ?
- À quoi ressemble une campagne publicitaire ne portant pas atteinte à la biodiversité ?
- Faut-il classer les établissements en arrêtant de prendre le salaire à la sortie comme critère principal ?
- Comment embarquer des enseignants dans un projet qui va leur demander des efforts importants ?
Pour cela, le groupe de travail propose une méthode, développée en partenariat avec l’école de commerce Audencia, pour intégrer cette question dans les enseignements en gestion.
L’innovation technologique au service de la transition écologique
Côté business, l’entrepreneuriat écologique et social est aussi un terrain de jeu fertile pour de nouvelles solutions responsables. De nombreuses startups sont détectées et soutenues par de grands groupes pour œuvrer dans le sens de services de proximité et d’aide à la transformation RSE des entreprises. C’est le cas de 12 startups découvertes à l’occasion de VivaTech, l’accélérateur French IoT, Impact x Technologie, accompagnées par le groupe La Poste. Par exemple, Agriflux accélère le développement des circuits courts, Ouidrop propose une solution de click & collect robotisée 100 % française et recyclable ou encore Coach For Eyes accompagne les services RH, Santé, Qualité de vie au travail, dans la prévention de la santé visuelle de leurs collaborateurs face à l’exposition digitale, au bureau comme en télétravail.
La sensibilisation du grand public à un usage mesuré
Mais pour provoquer un changement durable, ce sont nous toutes et tous citoyens et citoyennes qui devrons aussi adopter de nouveaux usages. Comme nous pouvons le lire sur le site de la Chambre de Commerce d’Industrie, il est conseillé de se renseigner pour choisir un bon produit évolutif, facile à démonter et réparable. Acheter des appareils reconditionnés dès que possible ou éviter de remplacer ses équipements en bon état de fonctionnement tendent à être de nouvelles normes. Côté consommation d’énergie, il est recommandé de débrancher ses appareils en veille (console de jeu, ordinateur, wifi, tv…) ou encore de limiter le nombre d’onglets ouverts lors d’une recherche internet.
Le Haut-Comité du numérique responsable
Enfin, côté coordination et réglementation, le ministre chargé de la Transition numérique et des Télécommunications Jean-Noël Barrot a donné le coup d’envoi le 14 novembre 2022 du Haut comité du numérique écoresponsable. Cette nouvelle instance a pour but d’établir une feuille de route sur la décarbonation du secteur du numérique. Elle implique une centaine d’acteurs de l’écosystème numérique (institutions, associations, entreprises de télécommunications, startups, organes de régulation), dont la Fédération française des télécoms (FFT), Numeum, le Cigref, l’Arcep, l’Arcom, l’Afnum, the Shift Project et Infranum. Affaire à suivre en avril 2023 pour connaître les guidelines de cet ambitieux groupe de travail.
Le numérique responsable en résumé
Le secteur du numérique ne s’est jamais aussi bien porté et le cloud connaît une croissance exceptionnelle. En parallèle, tout évolue : des usages plus sobres du numérique, un choix de matériel IT durable et moins énergivore, des startups qui innovent dans le sens du respect de l’environnement, et une nouvelle réglementation d’État pour encourager la décarbonation. L’enjeu, au-delà de faire perdurer ces actions et de les consolider, sera de les inscrire dans une stratégie de développement et d’attirer les talents, désormais autant sensibles à la flexibilité de leur poste qu’à l’éthique de leur futur employeur.